DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Hépatite B: des stratégies thérapeutiques qui se clarifient

Christophe Hézode, Jean-Michel Pawlotsky, Hépatite chronique B: principes du traitement antiviral, Rev Prat 2010;60:751-8



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

L'objectif idéal du traitement de l’hépatite chronique B est la perte de l’antigène HBs (AgHBs) et la séroconversion HBs (apparition des anticorps anti-HBs) qui signent le contrôle à long terme de l’hépatite chronique B. Ces événements sont cependant rares. De façon plus pragmatique, l’objectif du traitement est la suppression prolongée de la réplication du virus de l’hépatite B (VHB), définie par l’absence de détection de l’ADN du VHB dans le sérum par un test sensible fondé sur la polymerase chain reaction (PCR) en temps réel.

La réponse virologique au traitement est habituellement associée à une normalisation des ALAT, à un ralentissement de la progression vers la fibrose, et à une diminution de l'incidence des complications, notamment la cirrhose et le CHC.

Qui traiter?

Selon les recommandations de pratique clinique de l’European Association for the Study of the Liver (EASL) de 2009 le traitement antiviral doit être démarré chez les malades ayant un ADN du VHB supérieur ou égal à 2 000 unités internationales (UI)/mL (soit 10 000 copies/mL), quel que soit le statut HBe, et/ou un taux d’ALAT élevé de façon persistante (associé à une virémie détectable), et une activité modérée ou sévère et/ou une fibrose significative (A2 et/ou F2 selon la classification Métavir). La sévérité de la maladie hépatique peut être évaluée par l’examen de la biopsie hépatique ou par des tests non invasifs, sanguins ou ultrasonographiques, en cours de validation.

Les malades en phase dite d’immunotolérance, qui ont un ADN du VHB très élevé et un taux sérique de l’ALAT habituellement normal, ne doivent pas être traités, car les chances d’obtenir une réponse virologique sont faibles, tandis que le risque de développer une résistance est élevé. Le traitement antiviral est indiqué au stade de cirrhose compensée si l’ADN du VHB est détectable dans le sérum (même si le taux d’ADN du VHB est inférieur à 2 000 UI/mL), et ce quel que soit le taux sérique de l’ALAT. Il doit être instauré au plus tôt en cas de cirrhose décompensée.

Tout malade devant recevoir des immunosuppresseurs ou une chimiothérapie anticancéreuse doit être testé pour la présence de l’AgHBs et des anticorps anti-HBc et les sujets anti-HBc négatifs doivent être vaccinés. En effet, la prise de ces médicaments chez un patient porteur d'une hépatite B chronique peut être à l'origine d'un risque d'hépatite fulminante, et doit donc être prévenu par un traitement anti VHB systématique.

Le traitement peut parfois se justifier en dehors des indications précédentes, lorsque son objectif est de réduire le risque de transmission virale, notamment chez les professionnels de santé et chez la femme en fin de grossesse.

Quels sont les traitements disponibles?

Sept molécules ont l'AMM en France dans le traitement de l'hépatite B. Utilisées en monothérapie, certaines d'entre elles exposent à un risque de résistance (lamivudine (ZEFFIX) adéfovir (HEPSERA) telbivudine (SEBIVO)).

Les interférons

Seul l’IFNPEG (PEGASYS) α-2a a obtenu une AMM en Europe et aux États-Unis pour une administration en monothérapie. La dose recommandée est de 180 μg/semaine pour une durée de 48 semaines.

L'efficacite du traitement par IFNPEG (PEGASYS) seul ou associé à la lamivudine (ZEFFIX) a été démontré par rapport au traitement par lamivudine (ZEFFIX) seul. Les taux de guérison (négativation prolongée de l'ADN du VHB six mois après la fin du traitement) sont faibles, même dans le groupe bithérapie (de l'ordre de 20%) et les taux de négativation de l'ag HBS encore plus faibles (3% environ sous bithérapie). L'association des deux médicaments réduit considérablement le risque d'apparition d'une résistance la lamivudine (ZEFFIX).

Les effets secondaires de la bithérapie sont essentiellement ceux de l'IFNPEG (PEGASYS), l'association à la lamivudine (ZEFFIX) ne modifie ni la nature ni la fréquence de ces effets indésirables.

Les principaux paramètres préthérapeutiques associés à la séroconversion HBe chez les malades traités par IFNPEG (PEGASYS) sont un taux faible d’ADN du VHB (<7 log10 UI/mL), un taux élevé d’ALAT (>3 fois la limite supérieure de la normale) et une activité histologique modérée ou sévère (A2 selon la classification Métavir).1 Pendant le traitement par IFNPEG (PEGASYS), un ADN du VHB inférieur à 20 000 UI/mL à la 12e semaine est associé à une probabilité de 50 % d’obtenir une séroconversion HBe chez les malades AgHBe positifs ou une réponse virologique prolongée après l’arrêt du traitement chez les malades AgHBe négatifs.

Il ne semble pas y avoir de corrélation déterminante du génotype viral avec le taux de succès, qu'il soit mesuré par la séroconversion HBe ou par la réponse virologique prolongée après arrêt du traitement.

Les analogues nucléosidiques et nucléotidiques

Les analogues nucléosidiques et nucléotidiques inhibent la réplication virale en perturbant la synthèse d el'ADN viral. La lamivudine (ZEFFIX) a été le premier analogue nucléosidique sur le marché (1998). Malgré son effet antiviral puissant et rapide, elle ne doit pas être utilisée en traitement de première ligne en raison de la sélection de variants viraux résistants chez environ 70 % des malades après 4 à 5 ans d’administration, qui s’associe à un échappement virologique et à une progression de la maladie hépatique.

L’adéfovir (HEPSERA) dipivoxil est une prodrogue de l’adéfovir (HEPSERA), analogue nucléotidique qui a reçu une AMM en 2003 ; sa puissance antivirale VHB est modeste et il existe une probabilité d’environ 30 % de développer une résistance après 5 ans d’administration. Son utilisation en monothérapie en première intention n'est donc pas recommandée.

L’entecavir (BARACLUDE) est un analogue nucléosidique de la désoxyguanosine. Il a obtenu l’AMM en 2006. La dose recommandée est de 0,5 mg/jour par voie orale en un comprimé. L’entecavir (BARACLUDE) est plus puissant que la lamivudine (ZEFFIX) et a un meilleur profil de résistance, à la fois chez les malades AgHBe positifs et négatifs. Malgré l’activité antivirale puissante de l’entecavir (BARACLUDE), la perte de l’AgHBs reste un événement rare à court terme (0,3 à 2 % à 1 an). Aucune résistance à l’entecavir (BARACLUDE) n’a été observée après 1 an de traitement. La tolérance de l’entecavir (BARACLUDE) était excellente.14 L’efficacité plus puissante de l’entecavir (BARACLUDE) par rapport à l’adéfovir (HEPSERA) dipivoxil a également été démontrée. Les résultats de ces études indiquent que l’entecavir (BARACLUDE) est un médicament puissant, bien toléré, doté d’un profil de résistance très favorable. L’entecavir (BARACLUDE) représente donc un excellent traitement antiviral de première intention de l'hépatite B en monothérapie.

Le ténofovir (VIREAD) est un analogue nucléotidique actif à la fois sur l’ADN polymérase du VHB et sur la transcriptase inverse du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et a obtenu, en mai 2008, une AMM dans l’indication du traitement des malades adultes atteints d’hépatite chronique B. La dose est de 1 cp/jour, soit 300 mg de ténofovir (VIREAD) disoproxil fumarate, au cours d’un repas. Une activité antivirale plus puissante que l’adéfovir (HEPSERA) et un profil de résistance plus favorable ont été rapportés chez les malades AgHBe à la fois positifs et négatifs. Le taux de séroconversion HBe à la 48e semaine était voisin pour les deux médicaments, respectivement 21 % et 18 % (fig. 2). En revanche, la réduction moyenne du niveau d’ADN du VHB et la proportion de malades ayant un ADN du VHB indétectable ( 400 copies/mL) étaient plus élevées avec le ténofovir (VIREAD) qu’avec l’adéfovir (HEPSERA) dipivoxil. Malgré la puissante activité antivirale du ténofovir (VIREAD), la perte de l’AgHBs reste rare à 1 an (0 à 3% en fonction du statut HBe). Aucune résistance génotypique n’a été observée au bout de 2 ans chez les malades traités par le ténofovir (VIREAD) en monothérapie. La tolérance du médicament était très bonne. En raison d’effets indésirables rénaux rarement observés, la prescription de ténofovir (VIREAD) ne doit être envisagée que lorsque le bénéfice attendu dépasse les risques potentiels chez les malades ayant une insuffisance rénale. Ses propriétés antivirales, son excellente tolérance et l’absence de résistance constatée à 2 ans indiquent que le ténofovir (VIREAD) est un médicament parfaitement adapté au traitement de première ligne des malades ayant une hépatite chronique B.

Les combinaisons thérapeutiques

On ne dispose aujourd’hui que de peu d’études chez des malades non antérieurement traités. L’utilisation combinée de deux analogues nucléosidiques n’a pour l’instant pas montré d’effet additif ou synergique. L’intérêt de l’association d’un analogue nucléosidique ou nucléotidique avec l’IFNPEG (PEGASYS) est en cours d’étude.

Les stratégies thérapeutiques en première intention

Lorsque l’indication d’un traitement antiviral a été posée, deux stratégies de première ligne peuvent être discutées.

La première repose sur l’utilisation d’IFNPEG (PEGASYS) pendant une durée limitée à 1 an, la seconde sur la prescription d’un analogue nucléosidique ou nucléotidique pendant une durée prolongée, et sans doute toute la vie pour une majorité de malades.

Le traitement par IFNPEG (PEGASYS) est principalement recommandé chez les malades ayant des facteurs prédictifs de réponse virologique, c’est-à-dire un taux élevé d’ALAT (3 fois la limite supérieure de la normale) et une réplication virale faible ou modérée (ADN du VHB <6,3 log10 UI/mL) avant le traitement

L'efficacité du traitement est jugée à la 12ème semaine sur la diminution de l'ADN du VHB d'au moins un log10, et l'obtention d'un ADN du VHB inférieur à 2000 UI par ml à la semaine 24, critères qui conditionnent la poursuite du traitement.

Les critères biologiques de surveillance du traitement sont la mesure de la charge virale, la négativation de l' ag HBe chez les patients qui en étaient porteurs, et bien sûr la négativation éventuelle de l'ag HBs.

Ces marqueurs doivent être régulièrement suivis sous traitement et après la fin du traitement.

Lorsqu’un traitement par analogue nucléosidique ou nucléotidique est décidé, l’entecavir (BARACLUDE) et le ténofovir (VIREAD) sont utilisés.Ce traitement est indiqué chez les malades AgHBe positifs n’ayant pas de facteurs prédictifs de réponse à l’interféron, et chez la plupart des malades AgHBe négatifs. Il est également indiqué chez tous les malades ayant une cirrhose, et ce, quel que soit le statut HBe.L'ADN du VHB doit être régulièrement suivi. L’objectif est que l’ADN du VHB soit indétectable par PCR en temps réel (10-15 UI/mL). La fonction rénale doit être régulièrement évaluée chez les malades recevant un traitement à long terme par les analogues nucléosidiques, en particulier chez ceux traités par le ténofovir (VIREAD).

Conclusion

L’indication du traitement antiviral chez les malades atteints d’hépatite chroni - que B dépend essentiellement de l’activité de la maladie et de son évolutivité, attestée par l’intensité de la fibrose hépatique. La séroconversion HBs est l’objectif principal du traitement, mais elle survient rarement. Un objectif raisonnable est donc d’obtenir une réponse virologique prolongée, dont la définition peut varier en fonction du statut HBe et du médicament administré : séroconversion HBe et ADN du VHB inférieur à 2000 UI/mL avec l’IFNPEG (PEGASYS), ADN du VHB indétectable (10-15 UI/mL) avec les analogues nucléosidiques. L’objectif essentiel est clinique. Le traitement doit prévenir la progression de la maladie hépatique et la survenue du carcinome hépatocellulaire. Le choix de la stratégie de première ligne dépend de paramètres liés à l’hôte et au virus. La durée du traitement est limitée à 12 mois pour l’IFNPEG (PEGASYS), indéfinie pour les analogues nucléosidiques.


Commentaire

Cet article montre à l´évidence que les stratégies thérapeutiques de l´hépatite B doivent encore faire l´objet de nombreux travaux, mais il clarifie bien des choses. Notamment il pose les indications du traitement, et donne des critères de choix clairs pour les deux alternatives thérapeutiques (IFN-PEG ou analogues). Il sera utile pour le clinicien, qui pourra mieux guider ses patients dans ces difficiles choix thérapeutiques (notamment l´interféron dont la tolérance est très médiocre).


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