DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Grippe H7N9: est-ce vraiment grave, docteur?

Yu H, Cowling BJ, Feng L, et al. Human infection with avian influenza A H7N9 virus: an assessment of clinical severity. Lancet. 2013 Jul 13;382(9887):138-45.



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

L'évaluation de la sévérité clinique d'une nouvelle pathologie infectieuse est un problème extrêmement difficile. Les premiers cas 'visibles' sont forcément les plus sévères et les calculs de mortalité initiaux sont effectués uniquement sur ces cas, généralement hospitalisés. La réalite de la gravité de l'infection ne peut être mesurée objectivement que lorsque la maladie est bien connue et qu'un système de détection de l'ensemble des cas est mis en place, au moins dans certains sites.

Néanmoins certaines méthodes permettent, à partir de modèles antérieurs (et notamment, dans le cas de la grippe, d'autres épidémies antérieures), et en présumant que les individus se comportent de façon similaire, de poser des bornes supérieure et inférieure permettant d'encadrer la valeur de l'estimation de la sévérité clinique réelle, et de la mortalité.

Les premiers cas humains d'infection grippale A H7N9 avec confirmation biologique ont été identifiés en Mars 2013. Tous les premiers patients identifiés avaient des formes graves.

La plupart des cas prouvés biologiquement sont survenus dans des zones urbaines, chez des personnes qui avaient été en contact étroit avec des volailles vivantes dans les sept jours précédant l'apparition des symptomes. Les enquêtes sur les marchés de volaille de Huzhou (province de Zhejiang, Est de la Chine, 150 kms de SHANGHAI) ont révélé une forte prévalence de l'infection parmi les volailles, et la fermeture des marchés de volailles vivantes semble avoir été efficace sur le contrôle des épidémies détectées.

Le suivi intensif de 2500 personnes en contact étroit avec les cas confirmés biologiquement n'a montré que cinq infections secondaires potentielles à virus H7N9. La transmissibilité interhumaine est donc très basse.

Au fil du développement de l'épidémie, il est devenu clair que des cas non détectés d'infection faiblement symptomatique étaient probables. En effet, on pouvait faire l'hypothèse qu'aucune immunité n'était présente contre ce nouveau virus dans aucun groupe d'âge. Or les cas détectés étaient pour la plupart relativement âgés, laissant penser que les cas des sujets plus jeunes n'avaient pas été repérés.

Par ailleurs, six des 131 cas confirmés au 28 Mai 2013 l'ont été par un réseau sentinelle mis en place pour repérer les infections grippales. Or parmi les six cas détectés par ce dispositif, dont l'age variait de 2 à 26 ans, un seul s'est compliqué de pneumonie, les autres ont évolué spontanément vers la guérison sans complication.

L'objectif de la présente étude est d'évaluer le profil de sévérité et de mortalité de l'infection, sur la base des données disponibles, tenant compte des éléments connus des épidémies grippales antérieures.

Méthodes

Le CDC chinois a construit une base épidémiologique détaillant l'ensemble des cas confirmés de grippe H7N9 identifiés au 28 Mai 2013. Les informations sur l'age, le sexe, le lieu de résidence, la date d'apparition des symptomes, l'admission en milieu hospitalier, en unité de soins intensifs, la ventilation assistée, le décès, la guérison étaient recueillies.

Pour évaluer plus précisément le taux réel de sévérité et de mortalité, la question clé est celle du dénominateur: le nombre de cas réels dans la population générale. Les auteurs ont fait deux hypothèses, l'une aboutissant structurellement à une mortalité basse et un nombre de cas élevé, la seconde à une mortalité élevée et un nombre de cas relativement bas.

La méthode 1 prend pour hypothèse que le comportement de soins des personnes présentant un syndrome grippal lié à H7N9 est le même que celui qui est connu pour les personnes qui avaient en 2009 une grippe H1N1. Les auteurs ont donc déterminé la proportion des personnes ayant des symptomes grippaux, qui ont eu recours à un médecin sentinelle au cours de l'épidémie H1N1 de 2009. Ils ont induit le nombre de cas total en rapportant cette proportion au nombre de cas H7N9 identifiés via les médecins sentinelles.

La méthode 2 prend au contraire pour hypothèse que toutes les personnes ayant un syndrome grippal lié à H7N9 ont eu un recours médical. Ils ont alors extrapolé le nombre de cas total à partir de la proportion des médecins sentinelles au sein de l'ensemble des médecins de soin primaire chinois.

Aucune des hypothèses sous-jacente aux méthode 1 et 2 n'est sans doute vraie, mais la vérité est nécessairement entre les deux, et la juxtaposion de ces méthodes permet d'obtenir une borne inférieure et une borne supérieure pour le dénominateur de la proportion recherchée.

Résultats

Au 28 Mai 2013, 131 cas confirmés de grippe A H7N9 ont été identifiés en Chine. 123 d'entre eux ont été hospitalisés. Sur les 8 autres, 4 étaient déjà guéris lorsque le diagnostic a été fait, et les 4 derniers, qui présentaient une forme légère, ont été admis en hospitalisation pour observation .

71 (58%) des 123 cas hospitalisés avaient plus de 60 ans, et 87 (71%) étaient des hommes.

La mortalité étaient plus élevée chez les sujets les plus âgés. La médiane de délai de décès pour les 37 personnes décédées était de 11 jours. La médiane de délai de guérison pour les 65 guéris était de 18 jours.

Pour 108 patients, on disposait de données cliniques détaillées valables. 71 (66%) d'entre eux ont nécessité une ventilation assistée et 83 (75%) ont dû être admis en unité de soins intensifs. Là aussi, le risque de ventilation assistée et d'USI était corrélé à l'âge des patients.

Sur la base de deux cas identifiés à Shanghai par les médecins sentinelles, les auteurs ont estimé que 23 personnes (IC 95% 7-28) présentant une infection symptomtique à H7N9 avaient consulté des médecins sentinelles dans cette ville. De même à Nanjing, sur la base d'un cas identifié par un médecin sentinelle, les auteurs ont estimé que 40(IC 95% 7-129) patients présentant une infection symptomatique à H7N9 avaient consulté des médecins sentinelle dans cette seconde ville.

En suivant la méthode 1, les auteurs ont estimé que la proportion de patients consultant un médecin parmi les malades était de 0.75% analogue à celle qui a été observée au cours de l'épidémie H1N1 de 2009.En supposant q'une proportion similaire de patient symptomatiques infectés avaient consulté des médecins sentinelles, les auteurs ont évalué que 3020 (IC 95% 900-7800) infections symptomatiques avaient eu lieu à Shanghai et 5310 (IC 95% 880-17300) à Nanjing. Par extrapolation sur la base du nombre d'hospitalisations dans ces deux ville, les auteurs ont estimé que le nombre de cas symptomatique dans le pays devait être de 27000 (IC 95% 9530-65000). Dans ces conditions, le risque de décès était de 160 (IC 95% 63-460) pour 100.000 cas symptomatiques

En suivant la méthode 2, les auteurs ont estimé que 107 (IC 95% 33-273) infections symptomatiques avaient eu lieu à Shanghai, 367 (IC 95% 61-1200) à Nanjing et par extrapolation 1500 (IC 95% 470-4050) pour la Chine entière. Dans ces conditions, le risque de décès était de 2800 (IC 95% 1000-9400) pour 100.000 cas symptomatiques.


Commentaire

Voici un extrait d´un article du MONDE du 24/4/2009:

´Au Mexique, 20 morts ont été officiellement attribuées au virus de la grippe porcine et une quarantaine d´autres cas mortels suspects sont en cours d´examen, tout comme ceux de 943 malades qui pourraient être contagieux, a annoncé le ministre de la santé. L´OMS a fait état, vendredi, de 57 décès suspects et confirmé qu´au moins 18 d´entre eux ont bien été causés par cette grippe au cours des dernières semaines. Les autorités de Mexico ont annoncé une vaste campagne de vaccination et conseillé à la population de la capitale d´éviter le métro, et de ne pas s´embrasser ou se serrer la main pour se saluer. Toutes les écoles, tous les lycées et universités publiques et privées ont été fermés dans la capitale et dans l´Etat de Mexico (Centre). L´aéroport de la capitale reste ouvert, mais des équipes médicales y sont en place pour prendre en charge les passagers.

Le président mexicain, Felipe Calderon, et le maire de Mexico, Marcelo Ebrard, ont suspendu leurs activités pour se consacrer à l´examen de la situation d´urgence avec les autorités sanitaires.´

Par la suite, les mesures se sont encore alourdies, avec la fermeture de nombreuses entreprises et administrations. Le Mexique a, littéralement, arrêté son économie pendant un à deux mois. Et avec succès!! puisque l´épidémie a été enrayée dans un premier temps dans ce pays.

Aucun autre pays n´a développé des mesures semblables. Pourquoi? Parce qu´entre temps le dénominateur de la mortalité avait été recalculé et, qu´au fil du temps, il apparaissait que la mortalité liée à ce virus était du même ordre (elle s´avèrera finalement nettement inférieure) à celle du virus habituel, H3N2.

Si la France n´a pas stoppé son économie, elle a mis en place une gigantesque campagne de vaccination, pour un coût prohibitif et un résultat dérisoire: 2,2 milliards d´euros (vaccins et antivirus, communications renforcées, charges des salles réquisitionnées, coût du personnel…) alors que seulement 8 % des Français se sont fait vacciner.

Il est donc heureux que, depuis lors, des épidémiologistes avertis se penchent sur les taux de morbidité et de mortalité liés aux épidémies de grippe, dans leurs nouveaux variants viraux.

L´étude ici présentée présage un taux de mortalité maximum lié à la grippe H7N9, de 9400 pour 100.000 personnes infectée (borne supérieure de l´IC 95 de l´estimation la plus pessimiste). Ca fait 9.4%. La borne inférieure de l´IC 95 de l´estimation la plus optimiste est à 63 pour 100.000 personnes infectées, soit 0.063%

La fourchette reste large, et sa borne supérieure angoissante (près de 10% de mortalité), mais on est loin de la folie de 2009, et si le virus mutait pour devenir transmissible d'homme à homme, le Mexique ne s´arrêterait probablement pas une seconde fois.


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