DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Une analyse épidémiologique rigoureuse sur laquelle appuyer sa pratique dans le traitement des infections gonococciques

La Ruche G, Goubard A, Berçot B, Cambau E, Semaille C, Sednaoui P. Évolution des résistances du gonocoque aux antibiotiques en France de 2001 à 2012. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(5):93-103.



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

Introduction

La gonococcie est une IST responsable d’infection génitales non compliquées dans la plupart des cas, mais elle peut-être à l’origine de salpingite, d’orchi-épididymite, de septicémie. Elle favorise la transmission du VIH.

D’un point de vue épidémiologique, une augmentation de son incidence est signal d’alarme précoce d’augmentation des pratiques à risque accru de transmission du VIH, en raison d’une incubation courte et d’une symptomatologie bruyante chez l’homme. Ainsi, cette incidence avait chuté dans de nombreux pays d’Europde l’ouest, dont la France, suite aux campagnes de prévention des années 1980 et du début des années 1990. Après l’arrivée des multithérapies antirétrovirales, une recrudescence des cas de gonococcies a été constatée en Europe de l’ouest et aux USA, en lien avec une résurgence des pratiques à risque, en particulier chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH). Ces évolutions sont rapportées en France via deux réseaux de surveillances : RésIST (cliniciens) et Renago (laboratoires). Les données de RésIST montrent que la recrudescence des cas de gonococcie est indépendante de l’orientation sexuelle.

Parallèlement à cette augmentation d’incidence, des taux croissants de résistance à la ciprofloxacine ont été rapportés depuis la fin des années 90 , il s’agissait alors du traitement « minute » des infections gonococcique. Les céphalosporines de 3ème génération (C3G), par voie orale (céfixime) ou injectable (ceftriaxone) sont alors progressivement devenu le traitement recommandé , la ceftriaxone est le traitement de référence recommandé en France depuis 2005. L’apparition récente de données concernant un développement des résistance à ces traitement fait craindre une possible impasse thérapeutique. C’est dans ce contexte que cette étude a tenté de décrire l’évolution des résistances aux antibiotiques des gonocoques, en France, entre 2001 et 2012, ainsi que les facteurs associés à la résistance aux C3G.

Méthode

Les laboratoires du réseau Renago adressent au centre nationale de référence (CNR) des gonococcies, à l’insitut Albert Fournier à Paris, toutes les souches de gonocoque isolées, ainsi qu’une feuille de renseignements cliniques anonyme (sexe, âge, date de prélèvement, site anatomique de prélèvement, caractère symptomatique ou non de l’infection, existence d’IST associées, pays probable de contamination, notion de partenaire infecté, lieu de consultation et type de médecin prescripteur, type de laboratoire et département). Le CNR pratique des analyses standardisées de résistance aux antibiotiques, dont les résultats entre 2001 et 2012 ont été utilisés pour cette étude.

Résultats
Caractéristiques des patients

Sur toute la période de l’étude, 81% des prélèvements ont été réalisés chez des hommes, mais la proportion de cas rapportés chez des femmes a augmenté tout au long de l’étude pour atteindre 32% en 2012.

La tranche d’âge 15-34 ans était la plus touchée, et en constante augmentation pour les deux sexes. L’âge médian a diminué pour les deux sexes au cours de l’étude, restant toujours plus élevé chez les hommes (de 30 ans à 26 chez les hommes, de 24 à 21 ans chez les femmes).

Lorsque l’information était disponible (deux tiers des cas), des symptômes d’infection était présent chez 98% des hommes et 73% des femmes.

On retrouvait une autre IST, pour les cas renseignés (46%), chez 32% des hommes 58% des femmes. Il s’agissait d’une infection par Chlamydiae à 59% chez les hommes et à 81% chez les femmes.

Le site anatomique prélevé chez les hommes était principalement urétral ou urinaire (90%), plus rarement anal (8%) ou pharyngé (1%). Chez les femmes, le prélèvement était principalement cervico-vaginal (90%), beaucoup plus rarement urétral ou urinaire (5%) ou anal (1%).

Le médecin prescripteur était le plus souvent un généraliste (71% des hommes et 39% des femmes pour lesquels l’information était disponible), un gynécologue (50% des femmes) ou un dermato-vénérologue (11% des hommes et 3% des femmes).

Evolution des résistances aux antibiotiques

La majorité des souches présentait une sensibilité diminuée à la pénicilline G. La proportion de souches résistantes à la pénicilline a fluctué entre 10 et 21%.

La proportion de souches résistantes à la tétracycline a augmenté, passant de 29% en 2001 à 56% en 2012.

La proportion de souches résistantes à la ciprofloxacine a fortement augmenté entre 2001 (14%, dont 6% de résistance de haut niveau) et 2006 (47%, dont 43% de résistance de haut niveau), puis est restée élevée autour de 42%.

Aucune souche résistante à la spectinomycine n’a été détectée pendant la période d’étude.

La proportion de souches résistantes au céfixime était inférieure à 1% jusqu’en 2011. Elle était de 0,7% en 2011 et a significativement augmenté à 3,0% en 2012 (IC95%:[2,1-4,2] , p<0,001). Les valeurs hautes de CMI ont augmenté régulièrement entre 2008 et 2012.

En 2010, pour la première fois, 2 souches sur 1 400 avaient une résistance à la ceftriaxone (deux cas de prélèvement urétraux chez des hommes) mais aucune en 2011 et 2012. La tendance à la hausse des CMI entre 2008 et 2010 ne s’est pas poursuivie en 2011-2012.

Enfin, les souches multirésistantes étaient exceptionnelles entre 2001 et 2011 (0,1%), mais leur nombre a significativement augmenté en 2012 à 1.6% (IC95%:[1,0-2,6] , p<0,001).

Facteurs associés à la baisse de sensibilité aux C3G

L’analyse multivariée retrouvait des facteurs associées à une diminution plus fréquente de la sensibilité aux C3G : âge (augmentation des résistances avec l’âge), souches pharyngées (odds ratio ajusté 4,17 , IC95%:[1,50-11,60] , p=0,006), et provenance de l’inter-région nord-est.

Discussion

Les niveaux de résistances des gonocoques aux pénicille G, tétracyclines et à la ciprofloxacine retrouvés dans cette étude excluent l’utilisation de ces antibiotique en première intention dans les infections gonococciques. Le caractère exceptionnel des cas de résistance à la ceftriaxone, ainsi que la stabilité des niveaux hauts de CMI au cours de l’étude renforcent les recommandations françaises préconisant cet antibiotique en traitement « minute » de première intention. L’augmentation des cas de résistance au céfixime et des niveaux hauts de CMI suggère pourtant que ce le céfixime est encore largement utilisé en première intention. Malgré l’absence de résistance décrite, la spectinomycine, récemment re-commercialisée en France, reste une option de seconde ligne, en cas d’allergie aux β,-lactamines, notamment en raison des échecs en cas de localisation pharyngée.

Bien que recommandé comme traitement de première ligne dans certains pays (comme aux USA) nous ne disposons pas de données françaises concernant la sensibilité du gonocoque vis-à-vis de l’azithromycine. Compte tenu de l’apparition de résistances à l’azithromycine observée dans certains pays, cet antibiotique est testé depuis 2013 au sein du réseau Rénago.

Les facteurs associés à l’augmentation des résistances retrouvés dans cette étude ont également été décrit dans d’autres travaux au Canada, au Royaume-Uni ou l’échelle de l’Europe.


Commentaire

La faiblesse majeure de ce travail est l’absence de données comportementale, essentiellement en raison du recueil via les laboratoires de biologie. Il est donc impossible d’associé le niveau de résistance à un type de pratique sexuelle, ce qui aurait été plus intéressant. Par ailleurs, les laboratoires participant au réseau ne constituent pas un échantillon représentatif des laboratoires de métropole , l’extrapolation des résultats nécessite donc des investigations complémentaires.

Cependant, dans le contexte d’émergence de résistance des gonocoques aux C3G, préoccupant dans la mesure où elles représentent la dernière ligne de traitement, sans alternatives thérapeutiques actuellement crédibles, cette étude permet un rappel à la vigilance :

- employer le bon antibiotique (ceftriaxone) à bonne dose (500mg),

- se méfier des résistances, en particulier dans les localisation pharyngée.

Rappelons ici les recommandations européennes d’utiliser la ceftriaxone à la dose de 1g associée à l’azithromycine à la dose de 2g en cas de résistance aux C3G.


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