DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Que pensent les médecins de leurs patients atteints de symptômes non expliqués médicalement?

Challenges in the management of patients with medically unexplained symptoms in Poland: a qualitative study. Czachowskia S and al. Family Practice (2012) 29 (2): 228-234.



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

Les enjeux de la prise en charge des patients atteints de symptômes non expliqués médicalement en Pologne : étude qualitative
Contexte

Les symptômes médicalement inexpliqués (MUS) concernent 14 à 36% des consultations de soin primaire. 20% des patients consultent pour des raisons liées à ceux-là. 2.5% de ces patients risquent la chronicisation de leur pathologie. Les explications scientifiques concernant ces troubles sont actuellement manquantes, et les difficultés de prise en charge sont exacerbées par la charge de travail des médecins généralistes (MG) et le système d’accès à la prise en charge de seconde ligne. Les études précédentes montrent que ces difficultés ternissent la qualité de la relation médecin-malade. Les MG polonais ont un rôle important de gate-keeper. La majorité d’entres eux ont exercé en tant que pédiatres ou internistes au préalable. Les valeurs des MG sont fondalement différentes de celles des spécialistes avec notamment la vision holistique d’un patient dans son environnement biopsychosocial et non pas seulement biomédical. L’hypothèse était que les MG polonais rencontraient des diffultés majeures

Objectif

Mettre en évidence et comprendre les difficultés rencontrées par les MG avec leurs patients atteints de MUS afin de mettre en œuvre des outils adaptés pour améliorer la prise en charge des patient et la satisfation des MG.

Méthode

Etude qualitative basée sur focus groups composés d’un échantillon raisonné de 14 MG. 2 groupes masculins et 2 groupes féminins comprenant chacun 2 à 5 MG. Codage thématique selon comparaison constante et avec triangulation des données. Réalisation jusque saturation des données. Guide d’entretien issu des données de la littérature. Résultats validés par deux MG n’ayant pas participé aux focus groups.

Résultats

3 grands thèmes ont émergé des focus groups : les émotions négatives parmi les MG, le manque de recommandations et de stratégies codifiées, la mauvaise influence du changement de système de soin polonais.
1) Les termes métaphoriques utilisés par les MG incluaient « petites natures », « râleurs », « en manque d’attention ». Aucune remarque positive de les decrivait. Les MG exprimaient leur frustration que les patients venaient seulement pour « vider leur sac ». L’analyse des focus-groups a révélé que les émotions du MG ont une influence directe sur le déroulement de la consultation. En effet, ils déclaraient référer leurs patients à des confrères spécialistes, abréger les consultations ou ignorer les symptômes.
2) Le manque de formation à ces pathologies spécifiques, l’absence de guidelines : les MG faisaient part de leur volonté de formation supplémentaire en terme de communication médecin-patient et compétences en psychothérapie. Ils soulignaient la nécessité d’améliorer leurs propres stratégies de prise en charge. Ils se montraient ambivalents : d’un côté ils souhaitaient des stratégies plus codifiées par le système de santé et en même temps ils craignaient que ces procédures standardisées alourdissent la prise en charge.
3) L’émergence du nouveau système de soin en Pologne crée des difficultés :le manque de considération des médecins généralistes, utilisés comme moyen d’accès aux autres spécialistes, les barrières à la construction d’une relation médecin-patient pérenne avec le manque de continuité des soins, les ressources financières limitées, l’accès limité aux soins de second recours, le manque de pluridisciplinarité et du travail d’équipe.

Résultat principal

Les trois difficultés principales rencontrées par les MG dans la prise en charge des MUS sont les réticences et émotions négatives des MG face à ces patients , le manque de formation des MG à l’approche biopsychosociale, les techniques de communication et les outils psychothérapeutiques ainsi que l’absence de guidelines , l’influence du changement de système de santé.


Commentaire

Etre en position de ne pas savoir expliquer scientifiquement les symptômes du patient peut mettre en difficulté le médecin. On ne retrouvait pas de différence significative selon le background professionnel des MG, ce qui laisse supposer qu’il s’agit là d’un problème plus global. En effet, l’éducation médicale occidentale est encore très centrée sur une approche biomédicale et pas encore assez biopsychosociale. L’approhe holistique consiste à prendre en charge le patient dans son environnement global et non de façon centrée-pathologie. Cependant la formation médicale comporte peu d’apprentissage sur les techniques de la communication ou des outils psychothérapeutiques pour améliorer la relation médecin-patient.

L’absence de cadre et de statégie codifiée déroute les médecins qui ont appris à classifier les patients dans de grands cadres nosologiques, cadres dont les MUS sortent complètement. D’ailleurs ce désir de guidelines est ambivalent chez les MG qui réalisent que ces patients requièrent des stratégies personnalisées.

Salmon dans une étude parue en 2007 montrait qu’un des problèmes basaux de la consultation de MUS est la compétition entre l’autorité du patient qui a la connaissance absolue de ses symptômes versus celle du médecin qui est basée sur des signes objectifs (résultats d’examens etc…). Il appelait cela le « separate conceptual ground » et mettait l’accent sur l’importance de trouver un « common ground » où chaque partie peut comprendre et expliquer le symptôme , modéliser l’explication pour la rendre acceptable aux deux parties initiée et non initiée. Il proposait par exemple le dessin pour schématiser certaines approches au patient : psychologique, anthropologique ou de recherche.

Wileman dans une étude parue en 2002 explorait le problème du pouvoir dans la consultation de MUS notamment en interrogeant 15 médecins généraliste du nord-ouest de l’Angleterre sur leur attitude dans ces situations. Les MG exprimaient une réelle détresse psychologique, un problème de contrôle et d’autorité, des difficultés évidentes à gérer ce type de consultation. Il en résultait une relation médecin-malade insatisfaisante, objet de frustration pour le MG et potentiellement néfaste pour les patients.

Enfin, Rosendal dans une étude parue dans le BMJ en 2005 critiquait le raisonnement médical qui se base sur l’exclusion d’un problème somatique. En effet, cette exclusion n’est pas outil adapté au patient qui se sent toujours malade et reste en demande de soins malgré tout. Il soulignait la place privilégiée du MG dans cette situation de part la fréquence des MUS. Il expliquait en quoi la prise en charge somatique-centrée était néfaste : elle renforce les craintes des patients d’avoir une affection somatique, elle diminue leur satisfaction envers le système de soin, elle contribue à la chronicisation des pathologies et enfin augmente considérablement les coûts pour la société. De nouveau, il soulignait la frustration occasionnée par ces motifs de consultation inexpliqués par le MG. En conclusion, il proposait d’augmenter les connaissances théoriques sur les MUS en ne procédant pas pas exclusion mais en considérant de façon simultanées les symptômes et les mécanismes psychologiques. Il ouvrait sur les thérapies cognitivo-comportementales dont l’efficacité reste contestée dans cette indication. La solution semblait dans le dialogue amélioré avec des explications tangibles basées sur les inquiétudes du patient.

Cette étude et les textes qui s’y rattachent met en évidence l’importance de développer une qualité de prise en charge pour les patients présentant des MUS et ajuster les paradigmes sur la bonne communication. La façon la plus adaptée de se positionner semble de toute évidence d’adopter une approche centrée patient et garder en tête avec indulgence que les MG voient les patients à des stades très précoces des maladies.


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