DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Varenicline: un sous-groupe de patients pourrait y être plus sensible

www.thelancet.com/respiratory PublishedonlineJanuary12,2015 http://dx.doi.org/10.1016/S2213-2600(14)70294-2



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

Contexte

Tous les fumeurs ne métabolisent pas la nicotine de la même manière ni à la même vitesse : certains individus ont génétiquement un métabolisme de la nicotine plus lent par rapport à d’autres individus , ces derniers ont une élimination de la nicotine qualifiée de normale.

L’analyse rétrospective de plusieurs essais comparant l’efficacité d’un patch à la nicotine et le bupropion dans le cadre du sevrage tabagique a montré une efficacité plus importante du patch à la nicotine chez les fumeurs à métabolisme lent de la nicotine. À l’inverse, le bupropion aurait été plus efficace que le patch à la nicotine chez les individus au métabolisme normal. Selon les auteurs de cette étude, deux tiers des fumeurs qui tentent d’arrêter de fumer refument dans la semaine qui suit l’arrêt de tabac.

Les responsables de cette étude ont posé l’hypothèse suivante : la consommation de tabac dépend de la rapidité du métabolisme de la nicotine. Lorsqu’on cesse de fumer, le taux de nicotine dans le corps diminue, entraînant un état de manque. Les responsables de l’étude ont alors utilisé un biomarqueur (NMR ou Nicotine Métabolite Ratio), correspondant à un rapport entre deux métabolites de la nicotine (3-hydroxycotinine et cotinine). Ce biomarqueur apporte des informations sur la clearance de la nicotine (normale ou lente) quand les fumeurs sont en train de fumer une cigarette. Les sujets au métabolisme « normal » de la nicotine sont susceptibles de fumer davantage et peuvent avoir plus de difficulté pour s’arrêter. La mesure de ce biomarqueur pourrait aider les prescripteurs à choisir un mode de sevrage adapté en fonction du métabolisme de la nicotine.

En effet, cette persistance variable de la nicotine chez les fumeurs peut influencer l’efficacité des traitements proposés dans le sevrage tabagique.

Objectif

Déterminer si l´efficacité du sevrage nicotinique était corrélée à la vitesse de métabolisation de la nicotine

Méthode

Il s’agit d’une étude multicentrique (4 sites nord-américains) qui a inclus une cohorte de 1.246 fumeurs volontaires pour cesser de fumer. 2412 patients étaient susceptibles d’être inclus, mais 1055 ont été exclus pour diverses raisons : addiction à différents types de drogues (opiacés, alcool), problèmes psychiatriques, dépression, grossesse, hypertension artérielle élevée, allergie à la varénicline, fumeurs à moins de dix cigarettes par jour, etc.).

Un prélèvement sanguin a été pratiqué dans un premier temps pour mesurer le biomarqueur NMR afin de distinguer les fumeurs au métabolisme lent de la nicotine (662) et les fumeurs au métabolisme normal (584). Les médecins chargés de l’étude et les patients n’ont pas eu connaissance du statut de ce métabolisme de la nicotine.

Les personnes incluses ont été suivies pendant un an. Ils ont reçu des conseils pour le sevrage tabagique et ont été traités pendant 11 semaines selon le protocole suivant :

• Patch + comprimé placebo (418 patients)

• Varénicline + patch placebo (420)

• Comprimé placebo + patch placebo (408)

Les patches ont été prescrits selon le schéma suivant : 11 semaines dont 6 à la dose de 21 mg, 2 semaines à 14 mg et 3 semaines à la dose de 7 mg de nicotine. La durée du traitement avec la varénécline a été de 12 semaines.

L´abstinence a été définie sur une déclaration de non-reprise de la cigarette par les patients. Elle a été vérifiée par la mesure du monoxyde de carbone au bout de 7 jours qui ne devait pas dépasser 8 ppm. L´efficacité du traitement sur l´arrêt du tabac a été évaluée un an après la date d´arrêt définitif de la cigarette.

Résultats

Au bout de 11 semaines, la varénicline a été plus efficace que le patch à la nicotine chez les individus au métabolisme normal de la nicotine (odds ratio 2·17, IC 95% 1,38 – 3,42 , p=0,001), mais un tel résultat n’a pas été retrouvé chez les individus à métabolisme lent (OR 1,13, IC 95% 0,74–1,71, p=0,56). L’analyse par un modèle de régression linéaire dévoile que les effets secondaires ont été plus sévères chez les patients au métabolisme lent traités par varénicline versus placebo (β, = -1,06, IC 95% : - 2,08 à - 0,03 , p = 0,044). Au bout de 11 semaines de traitement, dans le groupe « métabolisme lent de la nicotine », 17, 2% de patients sous placebo ont stoppé leur traitement, 27,7 % pour ceux qui ont utilisé un patch à la nicotine et 30,4% pour le groupe sous varénicline. Dans ce groupe, 26 patients sous patch ont demandé à poursuivre le traitement contre 5 pour les individus sous varenicline. Les chiffres sont différents pour les patients à « métabolisme normal de la nicotine » : l’arrêt constaté chez 18,6% des patients sous placebo, 22,5% sous patch (vs. 27, 7%) et 38,5% avec varénicline (vs. 30,4%).

Conclusion

Chez les personnes au métabolisme normal de la nicotine, il a été constaté une supériorité de l’efficacité de la varénicline par rapport aux patches à la nicotine dans le cadre du sevrage tabagique. Les patients sous varénicline ont été environ deux fois plus nombreux une semaine après le traitement à ne plus fumer comparé à ceux qui n’ont utilisé que des patchs de nicotine. Le risque de replonger dans le tabagisme était plus faible au bout de 6 mois.

Par contre, il n’y avait pas de différence d’efficacité entre la varénicline et les patches chez les personnes au métabolisme lent de la nicotine. Dans ce groupe, les effets secondaires de la varénicline ont été plus fréquents et plus sévères.

En conclusion, les auteurs de cette étude suggèrent de proposer un traitement à base de varénicline chez les patients à métabolisme normal de la nicotine, notamment pour réduire au minimum les effets secondaires de la varénicline. Pour les patients au métabolisme lent, il est préférable de prescrire des patches à la nicotine.


Commentaire

C’est une étude bien menée, randomisée à double aveugle avec des groupes identiques et un suivi à un an. Mais cela s’arrête là : comment peut-on affirmer, comme la fait une des responsables de cette étude (Rachel Tyndale), que : « nos données suggèrent que traiter les métaboliseurs normaux avec de la varénicline et les métaboliseurs lents avec des patchs de nicotine permettrait d´optimiser le taux d´arrêt du tabac en diminuant les effets secondaires » ? Car l’arrêt du tabac ne se limite pas à un traitement pharmacologique. Cela se saurait depuis longtemps. Les médicaments peuvent avoir plus ou moins une action sur la dépendance physique. Cependant, le rôle de la dépendance psychique est nettement plus prégnant et reconnu dans le tabagisme. Le médecin qui propose un sevrage tabagique à son patient ne le fait (ou du moins devrait le faire) qu’à la suite d’entretiens motivationnels. C’est à l’issue de ces entretiens que le praticien prescrira des méthodes agissantes sur le psychisme de l’individu candidat au sevrage. Les médicaments peuvent être un ultime recours , la prescription de patch à la nicotine semble plus raisonnable vu les effets secondaires de la varénicline.

L’étude a été menée par des chercheurs de l´Université de Pennsylvanie associés au département de santé de Pennsylvanie et un institut canadien de recherche en santé. Mais les responsables de cette étude ont déclaré des conflits d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques qui ont fourni traitements actifs et placebo.

Cette recherche n’apporte pas de réponse pour le suivi au long cours. Certes, au bout de 11 semaines, il a été noté une différence significative dans l’abstinence du tabac en faveur de la varénicline, mais uniquement chez les personnes au métabolisme lent de la nicotine. Au bout de 6 mois, cette différence est encore présente, mais elle n’est plus significative après un an. Car le tabagisme et le sevrage tabagique ne dépendent pas uniquement du métabolisme de la nicotine. Faut-il alors se focaliser uniquement sur le biomarqueur RMN pour prendre en charge le sevrage tabagique ? La réponse est actuellement non, et heureusement, car le patient a aussi son mot à dire dans le choix des moyens pour l’arrêt du tabac. La recherche fait l’impasse également sur les e-cigarettes, car il est certain que ces dernières sont utilisées par des patients tabagiques pour le sevrage même s’il n’y a pas de preuve scientifique de leur efficacité pour cette action. Mais depuis l’apparition de ces e-cigarettes, les ventes de patches et de varéniciline ont régressé !

Toute cette réflexion n'a de sens que couplée à une analyse critique des effets secondaires de la varénicline, dont la revue PRESCRIRE pense, arguments à la clés, que la balance bénéfices-risques est de toutes façons défavorable.


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