DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Une prise de position raisonnée sur "quelles hypothyroidies traiter et pourquoi"... Les éléments indispensables pour votre prise de décision dans les cas difficiles.

Rev Prescrire, hypothyroidies chez les adultes. 2015; 35 (379); 355-362



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

Hypothyroïdies périphériques des adultes en dehors de la grossesse.

L'hypothyroïdie, un ensemble hétérogène de diagnostic délicat


Clinique

Elle comporte un ensemble de signes peu spécifiques pouvant être plus ou moins bien tolérés:
- ralentissement du métabolisme et fatigue, dépression
- sensibilité au froid, peau sèche
- apparition d'une constipation , prise de poids
- bradycardie
- troubles menstruels et baisse de libido
- si myxoèdeme: voix rauque, peau épaissie, syndrome du canal carpien, gonflement des paupières,apnées du sommeil, chute de cheveux, douleurs musculaires.

C'est une maladie fréquente: l'hypothyroïdie frustre ou biologique concerne 4 à 10% des adultes, mais l'hypothyroïdie avérée seulement 0,1 à 2% d'entre eux. Il y a 5 à 8 fois plus de femmes que d’hommes touchés.

Examens complémentaires

Biologie

Doser la TSH seule en première intention ; la normale est généralement < 4 à 5mUi/L mais atteint jusqu’à 7 mUi/L pour les personnes âgées.
Si le dosage est élevé, recontrôler après 1 à 3 mois avec la T4L pour confirmer le diagnostic d'hypothyroïdie. En effet, on observe une normalisation spontanée dans 30% cas.
La TSH peut être élevée de façon isolée (T4 normale) sans maladie thyroïdienne : convalescence maladie grave, insuffisance surrénalienne, faux dosage du fait d’anticorps le perturbant (Facteur rhumatoïde)

Traditionnellement, on recommande de rechercher les auto-anticorps anti TPO, mais ils sont positifs chez 5 à 15% de la population générale, et ne changent pas le diagnostic ni la conduite thérapeutique => peu d’intérêt...

Échographie

Elle est inutile si absence d’anomalie a la palpation thyroïdienne, car ne modifie pas la conduite thérapeutique ni le pronostic.

Évolution

Elle dépendante de la situation biologico-clinique:

Hypothyroïdie frustre

Le patient est peu ou asymptomatique, avec une TSH élevée sans baisse de T4L
=> évolution vers une hypothyroïdie avérée dans 30 à 50% cas après 10 à 20 ans, d’autant plus fréquente que la TSH est initialement élevée. Environ 30% des cas sont transitoires si la TSH est <10.

=> majoration du risque Cardiovasculaire si age < 65 ans : risque accident coronarien x 1,5 et de mort cardiovasculaire x1,35 sur 2 à 20 ans selon certaines études (mais pas de modification après 70 ans).

Hypothyroïdie avérée

Il y a au contraire dans ce cas une baisse de T4 avec généralement apparition de symptômes. Si pas de traitement, possible coma myxœdémateux avec hypothermie, hypoventilation.

Les stratégies de substitution

Principes

L'objectif principal de cette substitution est la disparition des symptômes cliniques d’hypothyroïdie.
Il faut garder à l'esprit que les essais randomisés versus placebo sont non éthiques vu les risques en cas d’hypothyroïdie symptomatiques, de ce fait les recommandations reposent sur des données physiologiques et pharmacologiques uniquement.

Initiation

L'hormone la plus utilisée est la Lévothyroxine (T4), ayant une demi vie de 7 jours donc bien plus stable et facile a équilibrer que sa cousine la Liothyronine (demi vie 1 jour). L'amélioration clinique n'est pas attendue avant 15 jours de traitement, l'équilibre biologique après 6 semaines.
En l’absence de pathologie et patient jeune : débuter à 1,5 microg/kg/jour - Après 50 ans : 25 à 50 microg/jour - Patient coronarien 12,5 à 25 microg/jour
Augmentation progressive toutes les 4 à 6 semaines par paliers de 12,5 à 25 microg/jour selon l'évolution clinique et biologique.
La prise du médicament doit se faire 30 mn avant le repas du matin.


Surveillance

Clinique

Recherche de signes de surdosage = troubles cardiaques, troubles neuropsychiques, faiblesses musculaires, sudation, intolérance a la chaleur, perte de poids, diarrhées,… mais aussi ostéoporose, augmentation du risque de fibrillation auriculaire.

Biologique

La TSH est dosée 6 à 12 semaines après une adaptation de dose; l'objectif est de la contenir dans les normes du laboratoire pour les personnes euthyroïdiennes.
Après stabilisation, on effectue un contrôle tous les 6 à 12 mois (mais pas d’évaluation du rythme optimal).
En cas de difficultés de stabilisation, on recherche: les erreurs de prise, un changement de spécialité pharmaceutique (dosages parfois différents), les interactions avec d'autres traitements: Interactions : fer, calcium, cholestyramine, ortlistat, antiacides, sévélamer, antiepilpetiques, antirétroviraux, rifampicine, millepertuis,oestrogènes, raloxifene.

Un traitement à discuter au cas par cas


Si le traitement de l’hypothyroïdie avérée est communément recommandé au vu des complications possibles, celui de l’hypothyroïdie frustre en l'absence de signes cliniques francs est plus controversé, ce du fait de bénéfices connus non supérieurs aux risques liés a un surdosage .

Les résultats des essais sont non probants sur la diminution du risque cardiovasculaire ; on a observé une légère efficacité sur les dyslipidémies ; mais pas d’effets sur la qualité de vie, les symptômes, la TA, le poids.
Un essai non randomisé montrerait une réduction de la mortalité totale par le traitement des patients en hypothyroïdie frustre de – de 70 ans lorsque la TSH est > 10.

Il semble donc raisonnable de traiter:
- les patients symptomatiques avec TSH elevée a deux reprises a plusieurs mois d'intervalle, même sans T4 abaissée
- les patients de moins de 70 ans avec deux prélèvements TSH > 10
et de surveiller les autres patients cliniquement et par des dosages TSH annuels voire semestriels.


Commentaire

Commentaires personnels

Cet article polémique sur la prise en charge de l'hypothyroïdie se veut à la fois synthétique et pratique. Il résume bien les difficultés notamment liées à la prise en charge des hypothyroïdies frustres, où l'absence de données scientifiques validées concernant l'intérêt d'un traitement laisse les médecins dans un flou inconfortable.

Le choix des auteurs a été, dans le doute, de ne pas traiter inutilement, ce qui revient toujours au "d'abord ne pas nuire".
Pour autant un des arguments en faveur du traitement n'a pas été évoqué ici:il s'agit de l'impact possible sur la fonction myocardique d'une hypothyroïdie même frustre. Elle a été montrée par au moins deux études échographiques:
(*1)la première concerne 20 patients en hypothyroidie frustre correctement substitués, comparés à 20 patients sous placebo; elle montre apres 1 an une différence significative de certains paramètres évaluant la fonction myocardique
(*2)la seconde montre que cet impact est surtout lié à la relaxation myocardique diastolique, qui s'altère significativement chez les patients en hypothyroïdie frustre(étude sur 36 patients appareillés sur 30 témoins euthyroïdiens).
Les conséquences cliniques, notamment en terme de morbi-mortalité, sont jusque là considérées comme négligeables pour la population générale (cf article), mais peuvent être prise en compte chez certains patients déjà en insuffisance cardiaque connue.

Dans les faits, l'attitude des médecins généralistes au niveau européen est très disparate à l'heure actuelle, reflet de l'absence de données fiables et des disparités des recommandations nationales.
Une étude internationale sur 526 médecins généralistes(*3) montre que 54% des médecins de famille suisses proposaient d’initier un traitement dans le cas d'une hypothyroïdie frustre, contre 75% en Allemagne, 64% en Irlande, 39% en Grande-Bretagne, 36% en Nouvelle-Zélande et 35% aux Pays-Bas.
Il est intéressant de noter que dans cette enquête, les médecins généralistes sont moins enclins à débuter une substitution si le patient est plus âgé ou si l’état général est plus précaire, mais y sont plus enclins si les valeurs de TSH sont plus élevées.
Toutes ces conclusions vont donc dans le sens de la synthèse de cet article, qui semble être un compromis reflétant les pratiques internationales et une certaine forme de consensus.

Sources:
*1 - Monzani F, Di Bello V, Caraccio N, et al.— Effect of levothyroxine on cardiac function and structure in subclinical hypothyroidism. J Clin Endocrinol Metab 2001 86,1110-1115
*2 - Biondi B, Fazio S, Palmieri EA, et al.— Left ventricular dysfunction in patients with subclinical hypothyroidism. J Clin Endocrinol Metab, 1999,84, 2064-2067
*3 - Virgini V. et al; Comment les médecins de famille prennent-ils en charge l’hypothyroïdie infraclinique ? Rev Med Suisse 2014;10:526-529


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