DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Vers de nouveaux objectifs sur le traitement du diabète de type 2?

Denis pouchain D, Jean-pierre lebeau JP, Christophe berkhout C, et al.Les objectifs préconisés dans la recommandation française sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 sont-ils encore d’actualité? exercer ; 2010 : 145-154



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

Objectif de l’article

L’objectif de l’article est de faire une revue factuelle des grands essais publiés sur le diabète de type 2 (DT2) depuis 2006 sur le taux d’HbA1c ayant un rapport bénéfice/risque optimal, les chiffres de pression artérielle systolique “recommandables”, l’impact clinique de la prescription d’une dose cardiopréventive d’aspirine.

En effet, la dernière recommandation de bonne pratique (RBP) Afssaps-HAS sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 date de novembre 2006. Son argumentaire reposait essentiellement sur le programme UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study). Les objectifs préconisés étaient les suivants: maintenir l’HbA1c<6,5% (grade B), maintenir la pression artérielle < 130/80 mmHg (grade B), prescrire de l’aspirine à dose cardiopréventive en cas de DT2 à haut risque cardio-vasculaire (associé à au moins un autre facteur de risque CV) en prévention primaire (grade C).

Pourtant cette étude présentait des caractéristiques méthodologiques fragiles et concernait uniquement des patients jeunes (âge moyen: 53 ans), dont le diagnostic de DT2 était récent (<1an) à l’inclusion.

Quelles cibles pour l’HbA1c?
L’essai ACCORD

Cet essai randomisé nord-américain avait pour objectif de mesurer les bénéfices et les risques d’un traitement médicamenteux progressivement intensif de l’hyperglycémie chronique amenant l’HbA1c <6%, versus une prise en charge, dite standard, la maintenant entre 7 et 7,9%. Le critère de jugement principal était composite (infarctus du myocarde, AVC et décès cardiovasculaires).

La conclusion est qu’abaisser l’ HbA1c en dessous de 6,5% chez des patients DT2 depuis 10 ans et âgés de 60 ans augmente significativement la mortalité totale, CV et le nombre d’hypoglycémies sévères avec un bénéfice marginal sur la progression des rétinopathies.

L’essai ADVANCE

Cet essai international randomisé avait pour objectif de démontrer qu’une stratégie basé sur le gliclazide associé à d’autres antidiabétiques visant un objectif d’HbA1c<6,5% diminuait les “événements vasculaires majeurs” versus une prise en charge standard visant un objectif à 7%. Le critère de jugement principal était composite et hétérogène (IdM, AVC et décès CV, apparition ou aggravation d’une néphropathie et/ou d’une rétinopathie.

Sur le critère principal de jugement, il y a eu 18,1% d’”événements vasculaires majeurs” dans le groupe intensif vs 20% dans le groupe prise en charge standard ( OR=0,90, IC95=0,82-0,98, p=0,01), en détaillant les critères composant les critère principal, on met en évidence une réduction statistiquement significative sur les événements microvasculaires mais pas de différence sur les événements macrovasculaires. Les hypoglycémies ont été plus fréquentes dans le groupe intensif.

L’essai VADT

Cet essai avait pour objectif de démontrer qu’un contrôle glycémique intensif réduisait les complications cardiovasculaires des patients atteints de DT2. Les patients du groupe intensif visaient une HbA1c inférieure de 1,5% par rapport à celle du groupe prise en charge standard. Le critère de jugement principal était composé du taux de complications CV graves (IdM, AVC, décès CV, insuffisance cardiaque, insuffisance coronaire, chirurgie vasculaire et amputation pour AOMI).

La conclusion VADT est que réduire l’ HbA1c chez des patients âgés de 60 ans, diabétiques depuis 11 ans et très mal contrôlés n’apporte aucun bénéfice clinique micro ou macrovasculaire tout en augmentant considérablement les hypoglycémies sévères.

La méta-analyse de Ray

Le contrôle intensif de la glycémie a réduit de manière significative les IdM non fatals, pas eu d’effet significatif sur les AVC ni sur la mortalité totale. Ce bénéfice est à mettre en balance avec les effets indésirables.

L’étude de cohortes de Currie

Cette étude a observé que la mortalité totale ajustée sur les caractéristiques des patients augmentait lorsque l’HbA1c dépassait 8% mais aussi lorsqu’elle était en dessous de 7,4%.

HbA1c: conclusions pour la pratique: Chez les patients jeunes, en début de diabète en prévention primaire, à faible risque cardiovasculaire et à faible risque hypoglycémique, il est raisonnable de maintenir l’HbA1c < 7% de préférence avec la metformine, Chez les patients plus âgés, après 8 à 10 ans de diabète, en prévention secondaire ou à haut risque cardiovasculaire, une HbA1c comprise entre 7,5% et 8% est une position acceptable.

Quelles cibles pour la pression artérielle?
L’essai ACCORD-BP

Cet essai randomisé a assigné la moitié des patients DT2 à une PAS dite “normale” (<120 mmHg), vs une PAS<140 mmHg. Le critère de jugement principal était composite (IdM non fatals, AVC non fatals et décès CV).

En conclusion, amener la PA systolique des patients DT2 à haut risque en dessous de 120 mmHg ne confère aucun bénéfice par rapport à une PAS < 140mmHg (1,87% vs 2,09% HR=0,88, IC95= 0,73-1,06, p=0,20), de façon concomitante à une augmentation des effets indésirables (3,3% vs 1,3%, p<0,001).

L’étude INVEST-BP

Cette étude observationnelle multicentrique, non randomisée avait pour objectif de mesurer l’impact de la PAS sur les événements CV des patients DT2 stratifiés selon qu’ils avaient une PAS: bien contrôlée (<130), correctement contrôlée (entre 130 et 140) et mal contrôlée (>140). Le critère de jugement principal associait les IdM, les AVC non fatals et les décès CV.

Les résultats ne montraient pas de différence significative entre bien et correctement contrôlé. En revanche, il y avait un bénéfice clinique en faveur d’une PAS entre 130 et 140 et une PAS> 140.

Pression artérielle: conclusions pour la pratique: Il n’y a pas de bénéfice clinique à abaisser la PAS des patients atteints de DT2 en dessous de 130/80 mmHg. En termes de rapport bénéfice/risque, une PAS maintenue entre 130 et 140 mmHg est un compromis acceptable.

De l’aspirine pour quels patients?
La méta-analyse de l’Antithrombotic Trialists’ Collaboration

Cette méta-analyse portait sur 6 grands essais randomisés regroupant 93000 participants dont 4000 patients DT2. Dans cette sous-population, l’aspirine a significativement réduit les événements cardio-vasculaires de 12% (RR=0,88, IC95=0,82-0,94). Cette réduction portait uniquement sur les IdM non fatals et il n’y avait pas de différence sur les AVC et les décès CV. Ce bénéfice était à mettre en balance avec une augmentation significative des hémorragies cérébrales.

L’essai POPADAD

Essai randomisé ayant évalué les bénéfices et les risques de 100 mg/j d’aspirine chez les patients DT2 atteints d’AOMI asymptomatique (IPS<0,99). Il n’ y a pas eu de différence significative sur le critère principal composite (décès coronaires et cérébrovasculaires, IdM et AVC non fatals, amputations) entre le groupe aspirine et le groupe placebo (HR=0,98, IC95=0,76-1,26), ni sur la mortalité totale (HR=1,23, IC95=0,79-1,93). Il n’y a pas eu non plus de différence significative en termes d’effets indésirables.

L’essai JPAD

Essai randomisé ayant évalué les bénéfices et les risques de 81 à 100 mg/j d’aspirine chez des patients DT2 en prévention primaire. Le critère principal était composite (IdM fatals et non fatals, AVC fatals et non fatals et les AOMI cliniques).

Il n’y a pas eu de différence entre les 2 groupes sur le critère principal, ni sur la mortalité totale. Il n’y a pas eu de différence significative en termes d’effets indésirables.

Aspirine: conclusions pour la pratique: Chez un patient DT2 dont le risque CV à 10 ans est >10%, le bénéfice d’une dose préventive d’aspirine est supérieur au risque. Il est justifié de prescrire de l ‘aspirine à ces patients sauf ceux à haut risque hémorragique. Chez les patients DT2 jeunes à faible risque CV (<10% à 10 ans), les risques de l’aspirine surpassent les bénéfices attendus.

La prise en charge mutlifactorielle
L’essai Steno-2

Cet essai a évalué l’impact d’une prise en charge intensive mutlifactorielle sur la mortalité et la survenue de complications micro- et macrovasculaires chez des patients de 55ans en moyenne, DT2 avec microalbuminurie. Le critère de jugement principal était composite: décès CV, IdM non fatals, pontages coronaires, angioplasties percutanées, AVC non fatals, revascularisation ou amputations des membres inférieurs. Pendant les 7,8 années de suivi, 33 événements ont été enregistrés dans le groupe intensif, vs 85 dans le groupe traitement conventionnel: HR=0,47 (IC95=0,22-0,74, p=0,01). Cette différence significative a été confirmée après 13,3 ans de suivi, avec en plus une différence sur la mortalité totale et CV. Cependant il s’agissait d’intervenir sur tous les facteurs de risque, y compris le mode de vie et rien ne permet de mesurer la part respective de l’impact de l’intensification de la prise en charge sur chacun des facteurs de risque.

Conclusion

La recommandation française sur la prise en charge médicamenteuse du diabète de type 2 basée sur des études dont les résultats prêtent à controverse fête sa quatrième année. Depuis 2006, de nombreux essais randomisés de bonne qualité ont été publiés.

Les résultats de ces essais sont susceptibles de profondément modifier la RBP, d’optimiser les pratiques médicales et d’aider les médecins à améliorer le confort et la santé des patients en se basant sur des données scientifiques consistantes. Il est temps de réévaluer les objectifs et les stratégies thérapeutiques préconisés dans la recommandaton Afssaps-HAS 2006.


Commentaire

Article très intéressant car très utile pour la pratique de tous les jours d’un médecin généraliste, qui fait réfléchir sur les bonnes pratiques à appliquer chez les patients DT2: accepter une PAS comprise entre 130 et 140 mmHg, une HbA1c > 6,5%.

L’HAS a publiée une note de recadrage sur la stratégie médicamenteuse du diabète de type 2 précédent une actualisation de la recommandation de novembre 2006.

En effet, à la lumière de ces résultats, il semble qu’une mise à jour de la recommandation sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 soit nécessaire.


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