DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Dosage du PSA: oui, non ou peut-être ?

M. Soulié, M.Salomon.Dépistage du cancer de la prostate : pourquoi, comment ?.Rev Prat 2013;63-4:473-479



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

Pour les urologues français, il existe des arguments sérieux pour effectuer un dépistage du cancer de la prostate, notamment par la mesure du PSA.

Cet avis est en relative contradiction avec les recommandations de la HAS française et les recommandations internationales, qui sont maintenant opposées au dépistage de masse, systématique, du cancer de la prostate.

Existe-il une place pour un dépistage non systématique, adapté et selon quelles modalités ?

Ce que l´ont sait aujourd´hui :

Les cancers des prostates sont des affections très prévalentes.Ils sont suspectés par l’examen de la prostate par toucher rectal ,et/ou un taux de PSA anormalement élevé ou d’augmentation rapide.

Le diagnostic est posé par l’histologie des biopsies prostatiques faites par voie endo rectale.

Le score de Gleason est un des facteurs pronostiques les plus précis.

le dosage du PSA

Le PSA est une protéine marqueur de la croissance des cellules prostatiques. Son taux est proportionnel à la taille de la prostate et surtout à la multiplication cellulaire.

Le marqueur sanguin PSA n’est pas le test de dépistage idéal :

Les facteurs épidémiologiques :

En France, 70 000 nouveaux cas par avec 8600 décès par an après le poumon et colon.

Les études épidémiologiques :
Etude européenne (ERSPC) :

L’étude européenne European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer (ERSPC), commencée au début des années 1990, comporte l’effectif le plus large, avec l’inclusion de 162 243 hommes de 55 à 69 ans, randomisés entre groupe dépistage par dosage du PSA (en moyenne tous les 4 ans) et groupe contrôle.

Il a été détecté 5 990 cancers de la prostate dans le groupe dépisté versus 4 307 dans le groupe contrôle. La différence absolue de risque de décès était de 1,07 pour 1 000 hommes, ce qui signifie en d’autres termes qu’il faut dépister 936 hommes (1 410 en 2009) et diagnostiquer 33 cancers (44 en 2009) pour éviter un décès par cancer de la prostate

Etude américaine (PLCO):

Le Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian cancer screening (PLCO) a randomisé 76 693 hommes entre un groupe soumis à un dépistage annuel (dosage annuel du PSA pendant 6 ans et toucher rectal annuel pendant 4 ans) et un groupe contrôle. Cette étude a été menée de 1993 à 2001. Le seuil de PSA choisi pour proposer des biopsies prostatiques était de 4 ng/mL.

L’étude a montré l’absence de différence significative de mortalité entre les deux groupes (2/10 000 décès dans le bras témoin vs 1,7/10 000 dans le bras dépisté.

L´étude PIVOT :

Enfin, la publication des résultats de l’étude PIVOT (Prostate cancer Intervention Versus Observation Trial) a marqué une nouvelle étape dans ces controverses concernant le surtraitement du cancer de la prostate.

Elle a montré qu’avec un recul de 12 ans, la prostatectomie totale n´apportait pas d’avantage en termes de survie versus la surveillance, pour les patients ayant des taux de PSA inférieurs à 10 ng/mL ou ayant une tumeur à faible risque.

Les recommandations professionnelles :

La recommandation de l’United States Preventive Services Task Force (USPSTF) préconise de ne plus recourir au dosage du PSA chez les hommes n´ayant aucun signe clinique évocateur d’un cancer de la prostate.

En France, au printemps 2012, la Haute Autorité de santé (HAS) confirmait l’absence d’intérêt démontré actuel de la mise en œuvre d’un dépistage systématique organisé par dosage du PSA dans une population d’hommes considérés à haut risque, comme elle l’avait déjà énoncé pour la population générale.

Les raisons pour ne pas dépister :

L’histoire naturelle du cancer de la prostate est très variable d’un individu à l’autre. Beaucoup de patients ne mourront pas de leur cancer, comme le montre le taux de cancer élevé lors des prélèvements post mortem pour d’autres causes.

Une petite proportion, et on ne sait pas vraiment laquelle, va développer des métastases et une maladie évolutive.

Les risques sont de deux ordres :

Entre les deux, les risques des effets secondaires des examens complémentaires, notamment les complications certes rare des biopsies prostatiques.

Les raisons pour dépister :

En fait l’étude ERSCP montre une réduction, certes très modeste, de la mortalité dans le groupe dépisté.

Les résultats les plus récents montrent un bénéfice en survie spécifique de + 21 % avec 11 ans de suivi (hazard ratio = 0,79 , intervalle de confiance à 90 % : 0,68-0,91 , p = 0,001). Le gain en survie spécifique est en fait de + 29 % après décontamination du groupe contrôle (exclusion des patients qui avaient eu un dosage du PSA avant le début de l’étude)

L’étude américaine présente elle de nombreux biais de contamination du groupe témoin, qui a bénéficié dans 50 % des cas de dosages « sauvages » du taux de PSA ou d’un toucher rectal.

Le risque de développer un cancer de la prostate durant la vie est estimé à 15,9 % aux États-Unis. La majorité des cancers dépistés sont de bon pronostic même sans traitement, mais certains sont agressifs. Sur ces bases, le risque de mourir du cancer de la prostate est de 2,8 %. Les données du programme Surveillance Epidemiology and End Results (SEER) montrent que la mortalité spécifique a diminué de 40 % aux États-Unis entre 1992 et 2007. Cette baisse de mortalité est multifactorielle et ne serait pas due seulement aux effets de l’amélioration des traitements curatifs et palliatifs mais aussi en partie au dépistage individuel par le dosage du PSA.

S’il y avait un arrêt de tout dépistage « sauvage » par le taux de PSA, cela entrainerait trois fois plus de cancers métastatiques (étude 2008 SEER aux USA)

Enfin, le critère de la mortalité est probablement insuffisant pour juger de l’intérêt du dépistage d’une maladie fréquente et lourde de conséquences : des études qualitatives des patients ayant une maladie évolutive, éventuellement métastatique, versus des patients traités, seraient utiles pour juger de l’intérêt de l’intervention médicale.

Quelles sont les propositions de dépistage des urologues français ?

L’absence d´intérêt, clairement démontrée pour le dépistage systématique en population générale ou ayant des facteurs de risque, ne dispense pas d’une démarche de dépistage individuel, qui diagnostiquerait à temps des formes agressives nécessitant un traitement actif.

L’AFU propose une détection précoce des cancers de la prostate, chez des patients demandeurs, informés, jeunes (entre 50 et 60 ans), afin de traiter les cancers à fort potentiel évolutif.

La valeur initiale du PSA total, dosé avant l’âge de 50 ans, est prédictive du risque ultérieur de développer un cancer de la prostate.

Pour un PSA initial < 0,5 ng/mL, ce risque est < 7,5 % durant les 25 années suivantes. Ce risque est multiplié par 2,5 avec un PSA initial compris entre 0,5 et 1 ng/mL, et par 19 pour un PSA initial compris entre 2 et 3 ng/mL.

D’autre part, il a été montré qu’avec un PSA initial < 1,5 ng/ml ,dosé avant 50 ans, le risque de développer un cancer de la prostate durant les 9 années suivantes n’est pas accru.

Pour un PSA initial supérieur à 1,5 ng/mL, le risque augmente dès les premières années de suivi.

Si à 60 ans la valeur du PSA est < 1 ng/mL, le risque estimé de décéder d’un cancer de la prostate est inférieur à 2 %, ce qui pourrait conduire à arrêter tout dosage de PSA ultérieur.

Les patients dépistés ayant un cancer faiblement actif pourrait bénéficier de la surveillance active . Les autres seraient aiguillés vers un traitement classique.


Commentaire

Enfin un article qui expose de façon argumentée la position des urologues français.

En clair, il apparaît que tout le monde est d´accord pour ne pas proposer de dépistage systématique dans la population masculine de plus de 50 ans, car les bénéfices en terme de survie sont faibles ou nuls.

D´autre part , l´article donne les outils afin d´exploiter les résultats du dosage du PSA de façon plus fine, et ainsi d´éviter des dosages itératifs couteux et inutiles. Le classique taux supérieur à 4 ng/ml n´est pas assez précis pour dépister sans surdiagnostic.

La position de l´AFU ( les urologues) est beaucoup plus subtile et nuancée .Le problème posé est celui des cancers invasifs, rapidement évolutifs, qui ne sont pas les plus fréquents.pour les diagnostiquer, il faut avoir des biopsies de la prostate avec le dosage du score de Gleason . Il est donc nécessaire d´identifier tôt, avec l´extension locale ou à distance, les cancers de la prostate, afin d´intervenir sur les cancers agressifs et d´appliquer la surveillance active aux autres.

Les études n´ont jusqu´à présent , mesuré que la mortalité chez tous les patients atteint de cancer , toute formes confondues.

Ainsi, il est probable que la mortalité notamment chez des sujets jeunes, devrait diminuer et que la qualité de vie s´améliorer.

Reste que cela n´est pas prouvé à ce jour.D´autres études plus fines sont en cours.


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