DMG PARIS DIDEROT: Revue de Presse

Un enfant est au cabinet avec un examen clinique objectif "normal"... mais vous "ne le sentez pas" : devez vous suivre votre instinct ?

http://www.bmj.com/content/345/bmj.e6144



Remarque: ce résumé d'article a été écrit par un étudiant ou un enseignant du DEPARTEMENT DE MEDECINE GENERALE DE PARIS 7. Il est en accès libre. La rédaction des résumés est faite dans le cadre de la REVUE DE PRESSE du DMG.

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Résumé de l'article

Clinicians’ gut feeling about serious infections in children: observational study (BMJ 2012) - Analyse et commentaire par Thomas PERNIN
Introduction

La détection des infections sévères de l’enfant est un enjeu majeur en soins primaires même si leurs incidences est en chute dans les pays européens actuellement avec des politiques vaccinales efficaces. Il s’agit ici de chercher une « aiguille dans une botte de foin ». Des tests de laboratoires permettent d’améliorer leur détection. Le Gut Feeling est un sentiment viscéral qu’il se passe quelque chose de grave sans pouvoir l’expliquer objectivement. Ce sentiment est souvent retrouvé par les cliniciens. Le but de cette étude est de comprendre la valeur du Gut Feeling chez les praticiens en soins primaires dans la détection des infections sévères de l’enfant.

Méthodes

Cette étude observationnelle basée en Flandre (Belgique) et datant de 2004 s’intéresse à la réponse intuitive de médecins généralistes en contexte de soins primaires face à 3390 enfants de 0 à 16 ans et la potentielle détection d’infections sévères. On demande ici une « clinical impression » (observation subjective que la maladie est grave selon l’histoire de la maladie, l’observation et l’examen clinique) et si le Gut Feeling suggère que l’enfant à quelque chose de plus sérieux. Ici le gut feeling est décrit comme un sentiment intuitif que quelque chose clochait même si le clinicien était incertain pourquoi.

Les infections sévères correspondaient à une admission à l’hôpital dans les 24heures ou plus pour pneumonie, sepsis, méningite virale ou bactérienne, pyélonéphrite, cellulite, ostéomyélite ou gastro-entérite d’origine bactérienne.

Résultats

Sur 3890 enfants, 3369 étaient considérés sans signes de gravité après examen clinique éliminant des « red flags ». 6 enfants / 3369 (0.2%) ont eu une infection sévère. Le Gut Feeling était présent sur 2 enfants atteints d’infection sévère sur 6 et sur 44/3369 enfant non atteints. Le Likehood-ratio positif était LR+ = 25.5 (IC95% = 7.0 – 82) et on n’observait pas de différence entre les praticiens ayant plus ou moins de 10 ans d’experience.

Le Gut Feeling était surtout augmenté s’il y avait des antécédents de convulsions (OR = 80.5, IC 95% = 6.2 – 1051). Il se retrouvait légèrement augmenté selon l’apparence de l’enfant, la manière de respirer, le niveau de conscience.

Le facteur contextuel le plus important était l’inquiétude parentale quant à la différence du tableau clinique par rapport auparavant (OR=36.3, IC95% = 12.3-107).

On ne retrouvait pas d’influence de la température sur le Gut Feeling (GF).

Une histoire de la maladie avec diarrhée ou une toux avait tendance à baisser le GF.

Conclusion

En conclusion, le gut feeling quant à la sévérité d’une maladie chez l’enfant est une réponse instinctive du clinicien face à l’apparence générale de l’enfant et l’inquiétude parentale. Cela devrait inciter à demander un avis spécialisé ou à pousser les investigations.

Cette étude incite donc à poursuivre un travail de recherche sur l’importance du gut feeling en pédiatrie et son lien avec l’inquiétude parentale.


Commentaire

Elle fut commentée par Wacogne [1] soulignant le fait de devoir rester objectif dans ses décisions thérapeutiques, de ne pas sur-utiliser et de ne pas sous-évaluer le gut feeling et de devoir utiliser toutes les informations acquises lors de la consultation pour obtenir une décision médicale optimale.

Selon Greenlagh et al. [2] , le GF serait un sentiment intuitif résultant d’un processus inconscient et rapide dépendant du contexte et venant avec l’expérience.

Dhaliwal [3] évoque le concept de “black box” (boîte noire) dans lequel se trouverait le gut feeling et critique l’approche de “third track in GP diagnostic reasoning” (3e voie de raisonnement diagnostic) de Stolper [4] tout en soulignant l’importance de l’intuition dans les prises de décision médicale. Il cite Greenlagh [2] en disant que l’intuition n’est pas l’ennemi de l’evidence based medicine (EBM).

Dans une méta-analyse sur les règles de prédiction d’une infection sévère chez l’enfant dans les services d’urgences [5], les auteurs rappelle un problème récurrent dans ces structures : ne pas diagnostiquer une infection grave potentiellement dangereuse pour le devenir de l’enfant ainsi que le problème de saturation des ressources hospitalières. Les auteurs ont identifiés dans la littérature 1939 articles avec les 5 termes suivants : infections sévères, enfants, ATCD-examen clinique, test de laboratoire et soins ambulatoires. 35 articles ont été sélectionnés (1 étude se faisait en ville, les autres aux urgences) sur des critères de bonne méthodologie. Les éléments prédictifs les plus reliés à une infection sévère de l’enfant étaient l’inquiétude parentale et le fait que le clinicien pense que « something was wrong ». La PCT et la CRP avait une valeur prédictive plus importante qu’une NFS.

Les auteurs rappellent l’importance des « red flags » : cyanose, augmentation du temps de recoloration cutanée, polypnée, crépitants, diminution du murmure vésiculaire, irritation méningée, rash pétéchial, convulsions et altération de la conscience. L’absence de « red flags » n’écarte pas de manière certaine l’infection sévère et le « gut feeling » serait important à utiliser dans ces cas là.

Bibliographie

[1] Ian Wacogne, Diagnosis: clinician’s gut feeling helps detect children with serious infection, Arch Dis Child Educ Pract Ed 2013,98:197

[2] Greenlagh et al. , Intuition and evidence - uneasy bedfellows ?, Br J Gen Pract 2002.

[3] Gurpreet Dhaliwal, “Going with your gut,” J Gen Intern Med. 2011 February, 26(2): 107–109. Published online 2010 November 23. doi: 10.1007/s11606-010-1578-4.

[4] Erik Stolper, PhD Thesis : Gut Feelings in General Practice, Université de Maastricht, 2010.

[5] M Thompson, A Van den Bruel, J Verbakel, M Lakhanpaul, T Haj-Hassan, R Stevens, H Moll, F Buntinx, M Berger, B Aertgeerts, R Oostenbrink and D Mant, “Systematic review and validation of prediction rules for identifying children with serious infections in emergency departments and urgent-access primary care,” Health Technology Assessment 2012, Vol. 16: No. 15.


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